BITUMES ET TRAVAUX ROUTIERS
Les informations fournies par cette fiche sont indicatives, sans valeur légale et sans caractère obligatoire.
Définition de la nuisance ou situation dangereuse
Les bitumes constituent l’essentiel des produits noirs actuellement utilisés dans le BTP (travaux routiers, travaux d’étanchéité, travaux hydrauliques). Les bitumes proviennent de la distillation fractionnée du pétrole. Ils ont supplanté depuis les années 80, les brais de houille et les goudrons qui ne sont plus du tout utilisés en technique routière.
Pour mémoire, les brais et goudrons sont issus de la distillation de la houille. (Ces dérivés de la houille ne sont donc pas pris en compte dans cette fiche.)
Ce matériau brun foncé ou noir, très visqueux et élastique, est intéressant pour son pouvoir adhésif et résistant à l’eau.
Il se présente sous forme pâteuse ou solide et se liquéfie à chaud.
C’est un équilibre colloïdal dans lequel les agrégats d’asphaltène sont peptisés par des résines (hydrocarbures naphténiques) et dispersés dans une phase huileuse, visqueuse (maltènes).
On distingue :
• Les bitumes purs : que l’on définit en plusieurs classes en fonction de leurs différentes caractéristiques (viscosité, pénétrabilité, point de ramollissement…). Les plus utilisés en France sont classés par leur dureté décroissante : 35/50, 50/70, 70/100, 160/220 . Ce sont des produits non étiquetés.
• Les bitumes oxydés ou bitumes soufrés : bitumes dont les propriétés rhéologiques ont été modifiées par réaction avec l’air, à des températures élevées.
• Les bitumes fluidifiés ou CUT BACK : bitumes mélangés avec un diluant pétrolier en vue d’abaisser leur viscosité.
On en distingue 3 types selon la fluidité et la vitesse de séchage :
– lente type SC (slow curring).
– moyenne type MC (medium curring).
– rapide type RC (rapid curring).
En France, le plus utilisé a été le type MC (bitume 70/100, fluidifié par 40 % de kérosène). Les bitumes fluidifiés ne sont plus utilisés en France.
• Les bitumes fluxés : bitumes ramollis par l’addition d’huile de fluxage de faible volatilité (en général, mélange d’huile d’origine pétrolière ou d’huile végétale : colza).
• Les bitumes modifiés : bitumes dont on a modifié les propriétés par l’ajout d’agents chimiques: caoutchouc naturel, élastomères de synthèse, soufre, composés organo-métalliques, pigments…
• Les bitumes composés : bitumes-goudrons, bitumes-brais dans lequel le bitume représente plus de 50 % (actuellement ne sont plus utilisés même en revêtement anti-kérosène résistant aux carburants).
• Les émulsions de bitumes : dispersion de bitume dans l’eau à l’aide de produits émulsifiants ou tensio-actifs (amines grasses). Elles contiennent 65 à 69 % de bitumes et peuvent être acides (ajout d’acide chlorhydrique, acide acétique…) ou basiques (amines…).
• L’asphalte : mélange de bitume (7 à 14%), de granulats et de poudres minérales ( filler ou fines) Il contient parfois de la poudre d’asphalte naturel (roche calcaire ou grès naturellement imprégné : rock asphalt). Il est fabriqué et appliqué à des températures élevées (la température d’application ne doit pas dépasser 200 °C : réglement REACH) et assure une bonne étanchéité (matériau d’aspect lisse, aucun vide). Il est utilisé comme revêtement de trottoirs, chaussées, ponts… L’ enrobé ou enrobé bitumineux, mélange de bitume (5 à 10%) et de granulats.
A tous ces bitumes peuvent être ajoutés des dopes d’adhésivité (dérivés aminés).
Selon la température d’application on distingue:
– l’enrobé à chaud fabriqué aux alentours de 150°C – 160°C et mis en oeuvre à une température aux alentours de 140°C – 150°C au moyen d’un finisseur.
– l’enrobé tiède fabriqué aux alentours de 90° à 130° et appliqué à 90°C.
– l’enrobé à froid: mélange de granulat avec une émulsion de bitume mis en oeuvre à température ambiante (entretien et réparation de chaussées).
Danger
• La toxicité dépend :
– de l’inhalation (d’autant plus importante que les températures d’épandage sont élevées).
– de l’absorption cutanée (contact direct ou vêtements imprégnés).
• Les effets sur la santé reconnus sont les suivants :
– brûlures, c’est le premier danger. Les bitumes peuvent être à l’origine de brûlures thermiques cutanées en cas de projection. Il peuvent également être responsables de brûlures phototoxiques pouvant secondairement se cancériser.
– Les bitumes sont photosensibilisants et peuvent majorer les effets d’une exposition aux U.V. (le phénanthrène, l’anthracène et le benzo(a)pyrène sont des photosensibilisants).
– dermatoses.
– irritation des yeux, des voies respiratoires supérieures (nez, gorge) et de la peau.
– céphalées, nausées, perte d’appétit, asthénie, troubles du sommeil.
– bronchite, emphysème, asthme.
Les études épidémiologiques menées entre 2001 et 2009 par le CIRC n’ont pas permis de mettre en évidence d’association entre l’exposition par voie cutanée ou respiratoire aux fumées de bitume et le risque de cancer du poumon
• Les bitumes ne sont pas classés comme cancérogènes par l’union européenne.
Non utilisés dans le BTP ni en étanchéité, les extraits de bitumes raffinés à l’air ou à la vapeur sont classés par le CIRC en catégorie 2B (cancérogène possible) depuis 1987 tandis que les bitumes eux-mêmes sont classés par le CIRC en catégorie III . Le 18 octobre 2011 le CIRC a décidé de classer en 2B l’exposition professionnelle lors des travaux d’application d’enrobés avec du bitume de distillation directe et d’application d’asphalte coulé avec du bitume dur.
• Une vigilance s’impose cependant car, comme l’ensemble des dérivés pétroliers, les bitumes contiennent certaines molécules complexes, paraffiniques, naphténiques, aromatiques, polyaromatiques. Un certain nombre d’hydrocarbures aromatiques polycycliques dont le benzo(a)pyrène ou le dibenzo(a,h)anthracène sont classés par l’union européenne en cancérogènes type 2 ( cancérogène probable pour l’homme ).
• D’autres composés aromatiques, comme le benzo-naphto-thiophène et des HAP substitués peuvent présenter une activité génotoxique.
Tâches et postes
Les bitumes sont utilisés ( à chaud ou en émulsion ) :
– en travaux routiers : couche d’accrochage, enduits superficiels (bitume + gravillonnage); enrobés (5% de bitume – 95 % de granulats); coulis bitumineux.
– en travaux d’ étanchéité : pain de bitume ou d’asphalte; rouleaux d’étanchéité, peintures, vernis bitumineux, en travaux hydrauliques (revêtement de canaux, barrages, digues, ponts), membranes bitumineuses.
Activités et situations de travail | Postes de travail |
---|---|
Fabrication en centrale et transport | Chef de poste, manœuvre, conducteur d’engin, chauffeur PL |
Essai sur produit | Laborantin TP |
Travaux routiers : – couche d’accrochage – enrobés à chaud, à froid – enduits superficiels – asphaltes de trottoir |
Ouvrier travaux routiers, conducteur de répandeuse, gravillonneur répandeur, régleur tireur au râteau, conducteur d’engin (finisseur, cylindre, compacteur, point à temps automatique), asphalteur |
Travaux hydrauliques ( revêtements, barrages, digues, canaux, ponts ), membranes bitumineuses, étanchéités coulées en place |
Ouvrier génie civil, soudeur de membrane |
Tavaux d’étanchéité de terrasse ou d’ ouvrage d’ art : pains de bitume chauffés ou rouleau d’étanchéité ou rouleau de membrane bitumineuse | Etancheur, couvreur |
Application de vernis et peintures bitumeuses | Monteur, applicateur de produits d’étanchéité |
Fiches FAST liées
- Agent Centrale d'Enrobage - Voir la fiche
- Applicateur Asphalte / Asphalteur - Voir la fiche
- Applicateur Enduits Superficiel / Enrobé Coulé Froid (E.C.F.) - Voir la fiche
- Applicateur Enrobés - Voir la fiche
- Canalisateur Tranchée Ouverte - Voir la fiche
- Conducteur Non Porté Petit Engin Chantier TP - Voir la fiche
- Conducteur Poids Lourd BTP - Voir la fiche
- Etancheur BTP - Voir la fiche
- Laborantin Industrie Routière - Voir la fiche
- Ouvrier exécution TP - Voir la fiche
- Régleur Finisseur - Voir la fiche
Niveau d'exposition
Temps : durée - fréquence
Exposition |
Permanente |
Fréquente |
Intermittente |
Occasionnelle |
---|---|---|---|---|
% |
> 70 |
> 30 |
> 5 |
< 5 |
Jour |
> 6 heures |
> 2 heures |
> 30 mn |
< 30 mn |
Semaine |
> 3 jours |
> 1 jour |
> 2 heures |
< 2 heures |
Mois |
> 15 jours |
> 6 jours |
> 1 jour |
< 1 jour |
Année |
> 5 mois |
> 2 mois |
> 15 jours |
< 15 jours |
Intensité
• Valeurs limites d’exposition :
– fraction alvéolaire de l’empoussièrement au poste de travail :
VME = 5mg/m3 (union européenne).
– fraction soluble des fumées dans le dichlorométhane ou le benzène :
0,5 mg/m3 (valeur américaine A.C.G.I.H.).
– benzo(a)pyrène :
valeur < 150 ng/m3 (recommandation CNAM). A noter que des travaux sont en cours afin
• Le niveau d ‘exposition va dépendre essentiellement :
– des conditions d’épandage (chaleur, milieu confiné).
– de la température d’épandage : le risque augmente à partir de 160° (étancheur
jusqu’à 200°).
– quand on augmente de 10° la température d’épandage du bitume on double la
quantité de fumées émises
Conditions d'exposition
Matériaux
– Bitumes et émulsions.
– Enrobés.
– Pain de bitume, rouleaux d’étanchéité.
– Peintures et vernis bitumineux.
– Asphalte de trottoir.
Matériels
– Répandeuse (« bouille » ), lance, point à temps pour enduits superficiels.
– Fondoir, chalumeau pour étanchéité.
– Râteau, brouette, seau, pelle, pinceau.
– Finisseur, niveleuse, compacteur.
– Répandeur d’ enrobé coulé a froid.
Cofacteurs environnementaux
– Milieu fermé.
– Forte chaleur.
– Vent.
Facteurs individuels
– Tabagisme.
– Mauvaise hygiène.
– Dermites.
– Affections ORL, broncho-pulmonaires et asthme.
Barème de décision
Critères complets
Le score obtenu par addition des différents coefficients de pondération sert de guide pour la mise en place de la stratégie de surveillance médico-professionnelle.
Conditions d’exposition | Permanente | Fréquente | Intermittente | Occasionnelle |
---|---|---|---|---|
Matériaux | ||||
Bitumes purs | 1 | 1 | 1 | 1 |
Matériel | ||||
Manuel : raclette, lance, pelle, brouette, pinceau, rouleau, soudage chalumeau | 2 | 2 | 1 | 1 |
Mécanique : finisheur, pointe à temps, niveleuse, compacteur, cylindre, fondoir… | 1 | 1 | 0 | 0 |
Cofacteurs individuels | ||||
Tabac, mauvaise hygiène, affections ORL, broncho-pulmonaires ou dermite | 1 | 1 | 0 | 0 |
Cofacteurs environnementaux | ||||
Absence de ventilation (travail en milieu fermé, en tunnel, à l’intérieur de bâtiments, en tranchées encaissées…) Température d’application > 160° |
1 1 |
1 1 |
0 0 |
0 0 |
Critères simples
– Application à haute température.
– Application manuelle.
– Selon le type d’adjuvant : analyse de la FDS.
Contenu des actions
Suivi réglementaire
Suivi individuel de l’état de santé des travailleurs
– Arrêté du 11.07.77 : concernée selon le type de produit (voir FDS ).
– Décret 2001-97 du 1-02-01: les bitumes ne sont pas classés cancérogènes par l’UE. Le décret CMR peut s’appliquer selon les produits utilisés (article R4412-59 à R4412-93 du code du travail).
– Décret n° 2003-1254 du 23 décembre 2003 relatif à la prévention du risque chimique : concerné selon le type de produits utilisés: (tenir compte des additifs,utilisaton de produits recyclés…) et selon les températures d’application (fumées émises).
Surveillance post professionnelle
Non concernée.
Modalités du suivi individuel de l'état de santé
• A l’embauche :
– Dépistage des affections cutanées, ORL et broncho-pulmonaires préexistantes.
– Radiographie du thorax et EFR de référence.
• Lors des visites systématiques :
– Examen clinique (cutané, ORL, broncho-pulmonire et cardio-vasculaire (cf travail à la
chaleur).
– EFR conseillée tous les 2 à 3 ans.
• Biométrologie : possible mais pas de pratique courante.
– Dosage urinaire du 1-hydroxypyrène (fin de semaine) : recueil des urines 3 à 6 heures après la fin du dernier poste hebdomadaire complet exposé (FP) l’exposition transcutanée retardant les pics d’excrétion.
– Dosage du 3-hydroxybenzo-a-pyrène urinaire 3-OH BaP : en seconde intention : métabolite du Benzo(a)pyrène (HAP cancérogène). Ce dosage est actuellement considé comme le plus représentatif des HAP pentacycliques cancérogènes : recueil des urines 16 heures environ après la fin du dernier poste hebdomadaire complet exposé (donc le lendemain matin) pour évaluer l’exposition de la semaine.
– Dosage des 1 et 2 naphtols : métabolites du naphtalène, ils constituent des marqueurs très sensibles de l’exposition à ce composé.
Valeurs admises : environnementales :
Non fumeurs < 80 ng/g de créatininémie.
Fumeurs < 280 ng/g de créatininémie.
Prévention
Prévention collective
• Au niveau des produits :
– Eviter les bitumes composés.
– Privilégier les fluxants pauvres en aromatiques (proscrire les huiles de houille).
– Privilégier les émulsions de bitume permettant la réduction des fumées émises en travaillant « à froid » en dessous de 60°C; Elles peuvent être mises en oeuvres dans certaines situations (enrobés en couches de surface : couche « d’accrochage » finitions…)
• Au niveau des conditions d’application :
– Travaux en espace confiné: aspirer les fumées, ventiler.
– Privilégier les températures de fabrication et d’application les plus basses compatibles avec la qualité du revêtement. Le fait de diminuer de 10°C la température divise par 2 la quantité de fumées émises.
– Privilégier l’application « tiède » (110°C).
– Eloigner les opérateurs le plus possible des fumées (aménagement des engins, véhicules et outils).
– Organiser la mécanisation de la mise en oeuvre.
– Commander à distance (télécommande dans la cabine avant du véhicule)
– Diminuer le débit de la rampe d’épandage : suppression du poste de vannier.
– Privilégier les engins de chantier équipés de système d’aspiration efficace.
– Veiller à ne pas utiliser de fioul domestique ni même de gasoil pour les nettoyages et en particulier à ne pas y tremper le râteau. Il existe des produits de substitution pour cet usage
– Evaluation spécifique à mener pour les produits recyclés : problème des additifs incorporés dans le passé.
Prévention individuelle
Mesures d’hygiène:
- Ne pas manger, boire, fumer
- S’assurer de la présence d’eau sur les chantiers.
- Se laver régulièrement et prendre une douche après le travail
- Nettoyer la peau avec des savons spéciaux (proscrire le fuel, solvants et white spirit).
Réparation
• Pas de tableau de MP relatif aux bitumes mais déclaration de MP possible selon le
type de produit utilisé :
– En MP 4 et 4 bis (bitumes fluxés).
– En MP 36 et 36 bis (gazole) – consulter les FDS.
– En AT pour les brûlures.
Secours
– En cas de brûlures :
– Refroidir immédiatement avec beaucoup d’eau pendant 20′.
– Ne pas tenter d’ôter le bitume adhérent à la peau.
– Enlever les vêtements souillés n’adhérant pas à la peau.
– En cas de projection dans les yeux : rincer l’œil à l’eau pendant 20′
– Dans les 2 cas, diriger d’urgence vers un centre hospitalier.
Remarques
Rechercher pour les salariés exposés aux bitumes, les expositions antérieures aux brais et goudron.
Dans le tableau de maladie professionnelle 36 bis RG, on retrouve dans la liste limitative des travaux en regard des tumeurs primitives de l’arbre urinaire (vessie, voies excrétrices supérieures) le poste de vannier avant 1985 comportant l’exposition habituelle à des bitumes goudron lors de l’application de revêtements routiers.